Etat de Stress Post-Traumatique : Jérémy Lempin rend visible l'invisible
Capter l’instant. Figer le temps. Rendre compte de la bonne émotion au bon moment. C’est le travail quotidien de Jérémy Lempin.
Cette vocation, il l’a découverte très tôt. À l’heure de l’indécision adolescente sur le cheminement d’une vie, pour Jérémy tout est clair : il sera photographe de guerre. Cette destinée, vient de la passion qui brûle en lui depuis que les clichés du débarquement de Normandie par Robert Capa ont allumé la flamme de l’image vraie. Celle qui a du sens. Celle qui raconte sans détour l’histoire de l’Homme, piégeant ainsi l’instant sur quelques centimètres carrés de sel d’argent.
Après un CAP et un bac professionnel en photographie au lycée des métiers d’Orthez, Jérémy s’engage à 24 ans dans la Marine nationale à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle. Il y restera 4 années en tant que photographe et chargé de communication. Photographe oui, mais surtout militaire. Sa carrière pour la nation l’emmènera sur différents théâtres d’opérations comme l’opération Serval ou l’opération Sangaris. Il sera, lors de ces opérations, décoré de la Croix de la Valeur militaire en 2013, et de la médaille militaire remise par le président de la République française de l’époque, François Hollande en juin 2015.
Après une dizaine d’années à servir son pays, Jérémy se tourne vers des sujets plus profonds qu’il réalise sur des timelines beaucoup plus longues. Sortiront de cette nouvelle vie civile plusieurs reportages et projets artistiques encensés par la critique et récompensés par de nombreux prix dans des catégories internationales. On notera entre autres : en 2020-2021 le reportage « Docteur Peyo et Mister Hassen » qui finira 1er prix au Istanbul Photo Awards (catégorie Daily Life), Awards of Excellence pour Pictures of the Year International (catégorie Daily Life Picture Story) ou encore Lauréat du Visa d’Or de la Presse Magazine à Visa pour l’image de Perpignan.
État de stress post-traumatique (ESPT) : L’image comme abréaction de l’âme
Entre 2010 et 2019, près de 2 800 militaires français souffrant de blessures psychiques ont été recensés. Dans sa définition la plus globale, l’état de stress post-traumatique (ESPT) est un trouble anxieux sévère qui se développe à la suite d’un événement traumatisant. Et c’est cela que Jérémy Lempin a réussi à cristalliser dans son livre. Un livre réalisé en crowdfunding, qui est par voie de conséquence le miroir de la volonté de chacun de voir naître ce projet ambitieux.
Ainsi, en véritable journaliste d’investigation, il a suivi pendant quatre ans le quotidien de ces blessés de guerre souffrant d’ESPT. Les moments de vie, les témoignages, les faiblesses, mais aussi les joies, les éclaircies ou les peurs. Tout se retrouve dans ce livre qui propose l’image pour exprimer l’invisible, comme pour exorciser les troubles et la douleur.
Derrière ce paradoxe, c’est l’instant qui est important. Le micro mouvement, l’expression furtive. Ce qui peut passer inaperçu est ici capté par l’objectif de Jérémy qui connaît bien son sujet. C’est grâce à son empathie, couplée à son expérience de terrain que tout cela est possible. En effet, l’ESPT, Jérémy l’a côtoyé lors de ses années sur le terrain. Il a vu la détresse de ses frères d’armes et le mal-être profond. Il a vu la maladie gangréner l’âme et se propager à leurs familles, leurs amis. Ce livre est donc née de la volonté profonde, voire viscérale de proposer un support, une aide, une main tendue vers la lumière.